Lundi 21 novembre, je fais un « Paso doble (le grand entretien de l’actualité culturelle) » avec le journaliste Tewfik Hakem sur France Culture. 20 minutes d’interview staccato sur les love doll. L’occasion de remettre les choses au point : les gens qui achètent une poupée ne veulent pas d’un humain mais son exact contraire. Ceux qui sont en manque d’une femme ne sauraient aimer une poupée. Un femme et une poupée, c’est très différent, trop. Il faudrait en finir avec l’idée reçue selon laquelle les mâles frustrés s’achètent des poupées pour compenser.
Le refus de la femme ne saurait d’ailleurs se réduire au seul « dégoût » ou à des sentiments négatifs comme la misogynie, la rancoeur, la méfiance, etc. Dans le contexte japonais – qui est celui d’une crise économique aggravée par des injonctions fortes et contradictoires – le refus est lié à une forme d’impuissance exaspérée. Impossible, pour beaucoup, de correspondre au modèle de la réussite. Impossible d’être performant, producteur et reproducteur en suivant le schémas parental. Le refus de la femme, pour cette frange de marginaux qui s’auto-désignent comme « otaku » (stigmate), relève d’une sorte de faux choix aux allures de suicide social, proche du sacrifice. Choisir la poupée, c’est peut-être, au Japon, une forme de renoncement.