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La jeune fille sacrifiée sous le toit

Envoyé par la Suisse au Japon entre l’automne 1862 et février 1864, pour obtenir la signature d’un pacte d’amitié, le politicien Aimé Humbert pase 18 mois à collecter des documents : il ramène au pays des milliers d’estampes, photos, croquis techniques, séries d’images détaillant le déroulement des obsèques ou les jeux d’enfant… Un matériel iconographique d’une richesse inouïe dont le Musée d’Ethnographie de Neuchâtel vient de publier une partie dans un ouvrage – « Imagine Japan » –, publié à l’occasion des 150 ans du pacte d’amitié suisso-japonais.

Dans cet ouvrage, je signe un article consacré au jour choisi par les autorités shogunales pour la signature de ce pacte. Le texte s’intitule « La jeune fille sacrifiée sous le toit. Etude d’un rituel de passage des frontières »

« Quel est le lien entre une chevelure humaine suspendue au sommet d’une charpente et la signature du traité d’amitié entre la Suisse et le Japon ? Exogène par essence, la culture japonaise attribue aux entités « étrangères » le pouvoir de revivifier et de rendre heureux. Mais les puissances venues d’ailleurs peuvent également exercer une influence néfaste qu’il s’agit de conjurer à l’aide de dispositifs stratégiquement placés aux frontières, à l’endroit même où le domaine du monde pacifié rencontre celui de l’altérité. C’est également lors des périodes-charnières, au moment de célébrer le passage d’une année à l’autre, que sont inaugurées les alliances. Le 6 février 1864, jour de la signature du traité d’amitié entre la Suisse et le Japon, Aimé Humbert n’est donc pas le seul à se réjouir. Le Japon tout entier semble communier avec lui dans la joie : ce jour, qui correspond aux préparatifs des fêtes du Nouvel An, est celui durant lequel les projets en cours doivent être achevés, les choses anciennes éliminées afin d’initier un nouveau cycle. Humbert note que ce jour-là ont lieu les cérémonies de faîtage qui marquent la fin des constructions de charpentes. Elles sont célébrées suivant des modalités particulières impliquant la consécration rituelle d’une chevelure de femme, porteuse de tout le poids d’inquiétude lié à la résurgence des défunts dans ce monde. Les racines de ce rituel plongent dans un corpus de contes horrifiques, révélateurs du rapport ambigu que les vivants entretiennent avec les morts et les habitants du Japon avec ces grandes puissances venues de l’autre côté de la mer… »

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Edité par Marc-Olivier Gonseth, Julien Glauser, Grégoire Mayor et Audrey Doyen.
Editeur: Musée d’ethnographie de Neuchâtel
Sortie : 2015
Broché, 21 x 27 cm, 352 pages, illustrations couleur  (48 francs suisse).

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