La MSH Mondes m’invite à animer la projection du film »Cœurs à nus, le temps des Odoriko » de Yoichiro Okutani, le vendredi 18 février 2022 à 13h, à l’Université de Paris Nanterre. Ce film documentaire porte sur un art en voie d’extinction, Au Japon, les clubs de strip font faillite les uns après les autres. Avec eux, c’est tout un monde qui disparaît, celui des odoriko, les effeuilleuses. Les images qui composent cette ode un peu funèbre ont été réalisées entre 2013 et 2017. Entre-temps, beaucoup de lieux filmés par Okutani ont été détruits. C’est donc un témoignage précieux sur les ultimes formes d’amusement populaire de l’ère Heisei… De façon un peu curieuse, le documentaire existe d’ailleurs en deux versions. La première – intitulée Odoriko –, montée par le réalisateur lui-même, ne pourra vraisemblablement jamais être diffusée (ni au Japon, ni ailleurs) car elle contient des scènes montrant des odoriko qui ont changé d’avis après le tournage et ont demandé à être retirées du film. Elle contient aussi des bande-son musicales (les chansons sur lesquelles les odoriko se déshabillent) dont il est presque impossible d’obtenir les droits : Wasurenaide (Ne m’oublie pas), par exemple. La seconde version – intitulée Coeurs à nu – a été montée par Mary Stephen (la monteuse d’Eric Rohmer) à la demande express d’Okutani. Les deux versions sont très proches : elles montrent des femmes au travail. Elles occultent, toutes les deux, ce qui fait l’essence du strip japonais. Elles sont aussi allusives l’une que l’autre. Le secret est bien gardé. La question que je me pose : pour quelle raison Okutani a-t-il fait l’impasse sur la dimension singulière de ces spectacles, à savoir leur éminente obscénité ?
Résumé
« Odoriko » sonne comme un prénom féminin japonais. C’est le nom traditionnel pour désigner les danseuses de strip-tease au Japon. Indépendantes, itinérantes dans des petits théâtres à travers le Japon, elles se cloîtrent dans leur loges et sur les scènes, lorsqu’elles sont en tournée. Elles donnent voir leur beauté, leur nudité et leur vulnérabilité mais aussi leur professionnalisme, leur force et leur solidarité, dans ces théâtres vétustes d’une autre époque, qui sombrent peu à peu dans l’oubli. Elles nous immergent dans les coulisses des théâtres de striptease japonais et nous emmènent dans le sillage scintillant d’un monde flottant qui n’est déjà plus.
La projection sera suivie d’une rencontre avec Thomas Mouzard, Chargé de mission pour l’anthropologie et le Patrimoine culturel immatériel au Ministère de la Culture et Agnès Giard, anthropologue.