Ce vendredi 23 septembre, le journaliste de Libération Philippe Douroux met en parallèle mon livre avec l’ouvrage Moderne sans être occidental, de Pierre-François Souyri en soulignant avec beaucoup de justesse la similitude de nos démarches : comprendre comment le Japon développe des technologies ou des concepts dits « avancés » qui ne correspondent pas aux logiques occidentales du « progrès ».
Pour vous donner un exemple précis : alors qu’aux Etats-Unis, un projet de Real doll « robotisées » est en cours, au Japon les fabricants de love doll affirment que les poupées inertes sont des produits de pointe bien supérieurs aux robots, pour cette raison qu’elles ne bougent pas.
En Occident, suivant une perspective téléologique qui place l’automate au sommet de la pyramide et la poupée en bas, on juge du degré d’aboutissement d’un être à sa capacité de bouger : les plantes sont donc vues comme des choses méprisables. On leur dénie une âme. Et pourtant… Les plus grands organismes vivants seraient des plantes capables de vivre 3000 ans (comme le séquoia) ou possédant le double de notre bagage génétique, c’est-à-dire qu’elles sont bien plus aptes à s’adapter que nous, qui n’avons que nos jambes pour fuir un danger. Face à une agression, la motricité est une réponse d’une grande pauvreté comparée à la capacité des plantes à générer des poisons et des contre-poisons. Lorsqu’on les coupe, les plantes d’auto-régénèrent. Nos membres à nous ne repoussent pas. Et pourtant, nous continuons à nous voir comme supérieurs aux plantes suivant un modèle anthropocentrique aussi périmé finalement que le modèle géocentrique de la terre au centre de l’univers. Etudier les technologies japonaises, c’est se confronter à d’autres logiques.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la façon dont, au Japon, on envisage les transplantations d’organe, les manipulations génétiques, etc. Question : le transhumanisme peut-il « marcher » dans ce pays ? C’est une des multiples pistes de réflexion que j’espère ouvrir avec mon travail sur les love doll. Ces poupées, en apparence si anecdotiques, sont des outils critiques formidables et permettent de remettre en cause beaucoup de nos préjugés.