Il existe actuellement une tendance croissante à s’appuyer sur des algorithmes pour trouver l’âme-soeur. Cette tendance avance masquée en Occident: comme Marie Bergtröm l’explique de façon lumineuse dans Les Nouvelles lois de l’amour, les créateurs de sites de rencontre ont tout intérêt à préserver le mythe de l’amour qui tombe au hasard et à nier l’existence de logiciels programmés pour créer des “matchs”. Bien sûr, personne n’est dupe (à part quelques naïfs) : les sites de rencontre ne fonctionnent pas en mode aléatoire. Ils mettent les utilisateurs en relation avec des utilisatrices suivant de savants calculs d’affinités. Les logiciels qui font ces calculs ne font d’ailleurs jamais que trier les prétendant-es suivant une logique identique à celle qui prévaut dans la « vraie vie » : la sélection reproduit de façon « conforme” celle que les hommes et les femmes effectuent dans la société (sélection par niveau socio-professionnel et par origine culturelle, notamment).
Au Japon, il est frappant de constater que les nouvelles générations se reposent, elles aussi, de plus en plus sur des systèmes numériques qui jouent le rôle d’intermédiaire dans leurs relations sentimentales. Mais ce besoin prend des formes qui peuvent sembler choquantes : les utilisateurs s’en remettent ostensiblement aux machines pour faire le premier pas à leur place. C’était le thème central de ma conférence lors de la journée d’étude “Affective Responses to New Technologies”, organisée par le projet de recherche EMTECH à L’Université Libre de Berlin, samedi 11 mai 2019. Mon intervention s’intitulait : « Digital Matchmaking Systems in Japan: Can You Fall in Love Without Expressing Yourself?”. Les autres intervenants étaient : Carman Ng (Universität Bremen, Allemagne), Elena Giannoulis, Berthold Frommann (Freie Universität Berlin, Allemagne), Duygu Pir (SOAS University of London, UK) et Yuefang Zhou (Universität Potsdam, Allemagne).