Le thème du colloque que j’organise au sein du groupe de recherche EMTECH (« Identités désirées. Métamorphoses et nouvelles technologies au Japon« ) entre curieusement en résonance avec les effets, parfois inattendus, de la pandémie. Forcés d’effectuer leurs réunions en vidéo-conférence, des milliers de télé-travailleurs(euses) essayent d’apprivoiser les logiciels de vidéo-conférence… et leurs options « avatars ». Il devient ainsi possible de modifier son apparence en ligne et d’adopter une image de rêve, à l’instar des V-Tubers qui se « déguisent » (ou plutôt se « dévoilent ») en jeunes filles de dessin animé pour faire des vidéos YouTube. Le 30 avril, un ami (Kodama) m’envoie l’image suivante – trouvée sur ni-chan, à la section Corona (コロナ) – et commentée abondamment par des otakus hilares qui rajoutent des cases supplémentaires à cette histoire, des cases de plus en plus grivoises, évidemment.
Je traduis sommairement le dialogue: un employé parle à son supérieur « Buchô (manager), nous allons faire du télé-travail demain ». Le chef : « Oh, ça fait très futuriste. Je me réjouis ». Case suivante : « Buchô ! Mais pourquoi êtes-vous en “Live 2D” !? ». Le chef : « Ah ? Ce n’est pas bien ? ».
La phrase “Damenanokai » (Il y a un problème ? Ca ne se fait pas ? Ce n’est pas bien ?) fait les délices des commentateurs sur ni-chan, qui la reprennent en choeur, tout en mimant une très forte excitation pour le buchô kawaii. Ce qui amène à la question : et si le coronavirus rendait le monde plus beau, ou du moins plus proche de ce que les otakus revendiquent comme étant un monde plus beau, celui de la fiction ? D’une certaine manière, avec cette épidémie, une partie longtemps stigmatisée de la population prend sa revanche sur la société toute entière. Car la société est maintenant forcée de vivre comme vivent les otakus… voire pire. Les hikikomoris.